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Cynthia Sardou, la fille du chanteur Michel Sardou, a retrouvé la joie de vivre au Canada après bien des épisodes de vie douloureux en France. Elle défend aujourd’hui la cause des femmes, sur laquelle elle est en train d’écrire un livre, et prouve par sa résilience que chacun(e) peut briser les barrières et retrouver son équilibre malgré les obstacles rencontrés en cours de route.
Une interview de Christelle CROSNIER
Christelle : C’est quoi être une femme pour vous aujourd’hui ?
Cynthia : Prendre son indépendance, être libre et avoir la capacité de faire ses choix et de contrôler sa propre vie.
Christelle : Quelle est la plus grande qualité qui vous touche particulièrement chez une femme ?
Cynthia : Son histoire, son humilité, et sa vulnérabilité. Ici, au Québec, le féminisme, c’est d’abord la solidarité envers les femmes dans leur contexte social, politique, personnel et économique et ce de 1960 à 1985 durant une révolution appelée Révolution Tranquille. En même temps, nous ne crachons pas sur tout ce qui est masculin. Au Canada, les hommes ont leur place aussi. Je pense que c’est un pays plus pacifiste dans les mouvements féministes ou manifestations et moins agressif que la France, même si j’adore mon pays. Les mentalités sont tout simplement très différentes : les gens sont plus ouverts à la discussion, ou du moins au débat et portent peut-être moins de jugements.
Christelle : Votre père, Michel Sardou, avait écrit en 1981 la chanson « Être une femme » sur l’évolution de la condition féminine, qui a été vendue à plus de 70 000 exemplaires…
Cynthia : Je trouve que c’est une chanson avant-gardiste car elle met en avant les femmes justement et leur rend hommage. Elle n’aurait pas dû être polémique auprès des féministes françaises. Pour moi, il n’y a rien de sexiste ou dégradant à voir des femmes prendre des métiers d’hommes. Et parce que aujourd’hui c’est ce qui se passe ou ce qu’elles souhaitent. La parité et l’égalité avec la gent masculine. Mon père a travaillé avec de nombreuses femmes tout au long de sa vie il le fait encore aujourd’hui. Ça se passe bien, visiblement.
Christelle : Vous œuvrez pour les femmes au quotidien au Centro Donne, où vous remettez en question des rôles sociaux stéréotypes, et luttez contre le sexisme, la pauvreté et l’inégalité salariale…
Cynthia : Oui, nous accueillons là-bas des femmes qui rencontrent des problèmes dans leur vie personnelle, notamment de violences conjugales ou de familles monoparentales. Nous les aidons au mieux à retrouver leur indépendance et un travail et à se remotiver intellectuellement aussi, dans des activités collectives et éducatives.
Christelle : Vous avez eu un passé tumultueux douloureux dont vous avez parlé dans vos différents livres : kidnappée, menacée de mort et violée. Mais aujourd’hui, vous montrez par l’exemple qu’on peut transformer un drame en se mettant au service des autres ?
Cynthia : J’ai le sentiment de bien comprendre les femmes. Même en étant passé par des moments intensément difficiles. Peut-être que je suis de fait plus empathique que quelqu’un qui n’a pas vécu ce genre de dégâts dans sa vie. Cela dit, les femmes qui viennent au centre, pour la plupart, ne savent pas ce que j’ai vécu ni d’où je viens parce que c’est derrière moi, et que je ne veux pas ressasser ce qui m’est arrivé. Mon but premier est d’agir pour les aider. Elles. J’essaie de leur donner au mieux des ressources que j’espère justes.
Christelle : Quels types de conseils leur donnez-vous ?
Cynthia : Déjà, faire la démarche de demander de l’aide est un grand pas en avant. Je leur dis dans mes conférences que lorsqu’on vous tend une main, il faut la prendre, car on ne peut pas s’en sortir seule. Le procès est une étape et un soulagement. Ensuite, il faut se reconstruire. Cela se fait pas à pas. Des années de travail aussi. De la patience et de la discipline. On peut commencer par aller voir et s’entourer de médecins compétents, que l’on a le droit de choisir. Par exemple un psychologue. Concernant votre bien-être personnel, faire des séances de méditation ou en pratiquant un peu de sport, en écoutant de la musique, en écrivant. Il y a plusieurs étapes à franchir et on passe au début par la médication. Cela peut choquer certains, mais moi par exemple, j’en ai eu besoin et cela m’a beaucoup aidée. Se reconstruire après, c’est l’étape de toute une vie, parce qu’on n’oubliera jamais, c’est une évidence.
Christelle : On peut s’en sortir et dépasser toutes les séquelles que laissent des drames ?
Cynthia : Le jour où je me suis vue dans l’ombre, j’ai appris à me concentrer sur l’essentiel et à remercier pour tout ce que j’ai. C’est ce que je continue à faire aujourd’hui. Y croire ! Parler ou vivre dans l’espoir au quotidien, c’est aussi une force, ou une faiblesse pour d’autres, mais cet espoir, je souhaite pour ma part l’entretenir. Et épargnez-moi ceux qui pensent le contraire ou le disent publiquement. Je me souviens et me rappelle que je suis toujours en vie.
Christelle : Trouvez-vous que nous avançons au niveau de la condition féminine ?
Cynthia : Chaque étape fait avancer. Chaque féminicide nous fait réfléchir. La sécurité de chacun de nous, nous pousse à agir ou à faire de la prévention. Sur le plan politique et économique et social, ici au Canada, la moitié du gouvernement est composée de ministres femmes. Elles osent s’exprimer, dire les choses, on les écoute avec considération et on agit en conséquence. Il y a encore beaucoup à faire, mais on avance malgré tout.
Christelle : Quel est votre plus grand conseil pour les femmes aujourd’hui ?
Cynthia : Vivre au présent. Ne pas chercher à voir trop loin (conséquences de l’actualité imprévisible selon moi aujourd’hui). Apprécier ce qu’on a et s’en contenter dès que nous le pouvons. Profiter des moments heureux parce qu’on ne sait pas du tout ce qui arrivera demain. Demain est un autre jour. Demain on ne sait pas.
