Jacques Séguéla : « L’argent est un moyen. Il ne doit être jamais une fin. »

© Thomas Raffoux

Le célébrissime « fils de pub », auteur de plus d'un millier de campagnes devenues cultes, dont vingt présidentielles (parmi lesquelles dix-neuf réussies), vice-président d’Havas et bouillonnant touche-à-tout, nous donne sa vision de l'argent et de l'enrichissement. « La vieillesse commence », dit-il, « lorsque les regrets l’emportent sur les rêves ».

Propos recueillis par Christelle Crosnier

Ma règle de vie est simple : l’argent n’a pas d’idées, seules les idées font de l’argent. J’ai consacré ma vie au pouvoir des idées. J’étais un fils de bourgeoisie provinciale et je n’ai jamais manqué de rien. Mes parents étaient très généreux. Ils soignaient gratuitement les personnes du quartier pauvre de Perpignan. Je considère que j’ai été un privilégié de la vie. L’époque a joué un rôle. A la mienne, le chômage n’existait pas. Je suis parti à vingt ans faire le tour du monde en 2CV et cela m’a ouvert toutes les portes. Lorsque je suis revenu de mon voyage, j’ai été engagé par hasard comme reporter à Paris Match. Puis j’ai fait mon service militaire où j’ai appris à faire un magazine, et à la sortie, j’ai créé mon propre journal. Ensuite, je suis allé dans la pub… Pendant toute ma vie, j’ai été porté, j’ai eu beaucoup de chance. J’ai aussi travaillé sept jours sur sept, parce que pour moi, le travail est un plaisir.

Pour développer une « money attitude », il faut d’abord être optimiste. Mon slogan est le suivant : « Les optimistes ont inventé l’avion, les pessimistes le parachute ». Chaque jour, j’ai une passion nouvelle, je rencontre des gens nouveaux qui me tirent vers l’avant… Il faut « s’ouvrir des portes dans la tête »Et puis, il faut travailler. Travailler plus, pour produire plus et gagner plus. C’est la règle de base. Il faut aussi avoir le courage de sortir du moule et casser certains codes. Moi, j’étais destiné à être pharmacien et un jour, je me suis dit qu’il n’y avait pas que la pharmacie dans la vie. Je suis parti faire un tour du monde. Ensuite, j’ai travaillé à Paris Match puis à France Soir, et j’ai fini par me dire qu’il n’y avait pas que le journalisme dans la vie. Et finalement je me suis tourné vers la pub. Se mettre en situation de faire les bonnes rencontres, c’est aussi capital. Je dois beaucoup à de grandes rencontres comme celle de Pierre Lazareff. Mon conseil à celui qui veut attirer l’abondance ? Trouver son talent propre. J’ai mis huit fois à passer mes bacs… Je n’étais pas fait pour les études. Mon père m’a dit « tu es nul. Je ne peux pas te conseiller la médecine, tu vas tuer les gens… ». Et je me suis retrouvé à étudier la pharmacie et à travailler dans une officine de Perpignan. Je me suis passionné pour la matière et suis passé de cancre à Major de ma promotion. Mon père ne l’a pas cru. Il est allé voir le recteur de l’université et lui a dit : « Mon fils ? Vous vous êtes trompé, ce n’est pas possible ». Je m’étais aperçu qu’il n’était en fait pas plus difficile d’être major que d’être nul, il fallait simplement trouver la bonne voie.

Est-ce qu’il y a des habitudes à prendre ? Foncer. Moi, j’ai toujours foncé. Et être fidèle à sa passion. Ça fait soixante-cinq ans que ma passion demeure. C’est la passion de la création, la passion du mouvement, du changement, de la modernité… Et puis être dans l’action. Ne pas trop réfléchir avant. C’est vrai que moi, j’agis d’abord et je réfléchis ensuite ! Enfin, ne pas prendre de décision en pensant à l’argent d’abord. Vous avez un projet génial ? Formidable, allons jusqu’au bout de l’idée. Et à la fin seulement, voyons combien ça coûte. C’est trop cher ? On va faire baisser le prix, on va se battre, on va aller chercher l’argent. Avec les gens qui demandent : « C’est combien ? » dès le début, la discussion s’arrête. Le combien doit venir après.

Évidemment il faut tout faire pour que le « C’est combien ? » devienne un « Ce n’est pas cher ». J’ai ma propre méthode de travail. Pour gagner du temps, donc de l’argent, il faut faire les choses sans attendre. Je ne quitte pas mon bureau tant que je n’ai pas fait tout ce que je devais faire. Je suis très organisé, et cela me permet d’être très désorganisé dans la créativité, où là je refuse toutes règles.

Une grande qualité à posséder, c’est de ne pas avoir de complexes, ni d’infériorité ni de supériorité. Je suis ce que je suis. Il y a pire que moi, mais il y aussi meilleur. Mais je me donne à fond et du mieux que je peux dans tous mes domaines d’activité.

Ce qui est intéressant chez les gens, ce n’est pas la Rolex, mais leur capacité créative, leur passion et leur détermination. C’est cela vraiment qui permet de devenir riche.

© Thomas Raffoux
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