
Par Sylvana Lorenz, « Madame Cardin »
Dans son autobiographie « Christian Dior & moi », le couturier raconte le jeune Dior : « Le soir venant, les invités se raréfiant, je me trouvais à proximité de la baraque de la chiromancienne, dans une kermesse de charité organisée au profit des soldats qui se battent pendant la Première Guerre mondiale ». C’est là, que celle-ci lui prédit : « Vous vous trouverez sans argent, mais les femmes vous sont bénéfiques et c’est par elles que vous réussirez. Vous en tirerez de très gros profits mais vous serez obligé de faire de nombreux déplacements ».
D’abord galeriste d’avant-garde, supporter du jeune Salvador Dali, Christian Dior devient dessinateur de mode. Il vend ses premiers croquis de chapeaux et de robes après son service militaire, en 1935, puis est embauché comme illustrateur par Le Figaro illustré. Robert Piguet, un grand couturier de l’époque, l’intègre dans sa maison comme créateur de mode en 1938. En 1946, il peut enfin fonder sa propre maison grâce au soutien financier d’un grand industriel du tissu, Marcel Boussac, qui en plus de son argent, lui apporte ses compétences en matière de création et de développement d’une marque. Une partie du talent de Christian Dior était sans doute dans l’hésitation permanente qui lui faisait envisager les partis pris les plus extrêmes. Sous l’occupation, la mode reste marquée par les pénuries de tissu. Christian Dior crée sa collection dans une profusion de matières en réaction à cette austérité imposée.
Il rencontre immédiatement le succès en 1947 avec la ligne « Corolle », s’inspirant des courbes des fleurs pour dessiner ses robes. La ligne « En 8 » (la silhouette, avec sa taille marquée et ses formes arrondies, rappelle la forme du chiffre 8) et fit s’exclamer Carmel Snow, la plus célèbre rédactrice en chef du Harper’s Bazaar : « It’s quite a revolution, dear Christian ! Vos robes ont un tel « new look » qu’elles sont sans égal ». La presse américaine reprend le terme « New Look » pour en exprimer la nouveauté : épaules arrondies, buste mis en valeur par un corsage moulant, taille fine avec jupe ample en forme de corolle à 40 cm au-dessus du sol. Cette mode fut appréciée comme un nouveau surgissement de la femme et de la grâce féminine après les années noires.
Les femmes auxquelles Dior avait redonné le goût de vivre et de s’habiller se ruèrent dans la maison. Elles avaient l’impression de renaître. Les Américaines surtout se déplacèrent et achetèrent. Parmi elles, des stars : Olivia de Havilland, Rita Hayworth, Ava Gardner, Marlène Dietrich… La carrière de Dior fut fulgurante et sa renommée devint très vite internationale. En 1949 fut créé une succursale à New York qui le contraignit à traverser régulièrement l’Atlantique faisant se réaliser la prédiction de la chiromancienne ! Épuisé, il sera foudroyé par une crise cardiaque en Italie où il séjournait quelques jours pour une cure à Montecatini.
